Expatriés : Étranger en terre étrangère.


LES EXPATRIÉS ET LE SYNDROME DU RETOUR 

Nous  sommes  des  êtres  sociaux. Les  liens  que  nous  constituons  avec  les  autres,  à  travers  le langage, nous sont essentiels. Pour les expatriés, un élément rend ces liens encore plus  critiques  :  le  sentiment  d’appartenance. C'est un sentiment que  nous  voulons  tous  ressentir.  Communément  nous forgeons  nos  identités  à  partir  de l'autorité qui nous gouverne, d'un  lieu  géographique  -  celui  où  nous  avons  grandi  - , d'une communauté, d'une culture à laquelle nous appartenons, et à partir de notre réseau social.

Chaque  expatriation  donne  lieu  à  un  choc  culturel,  c’est  «  un  tremblement  de  terre  émotionnel et  physiologique  ». C’est  aussi  ce  qui  en  fait  l’intérêt : l’enrichissement  de  la confrontation à une culture différente.

Hippocrate   (460-377   av.   J.-C.)   décrit le premier l’incidence   des   changements géographiques sur le bien-être de chacun.

L’expatriation   provoque   de   profondes   interrogations   sur  l'identité.   La   capacité d’adaptation  est  sollicitée  comme  forme  de  notre  sensibilité  culturelle.  La  mobilité  est  une composante contemporaine. Elle n’empêche pas, proportionnellement au temps passé à l’étranger le développement de  la       « nostalgie ». Celle-ci définit un désir sentimental pour le passé et le « mal du pays », décrit le sentiment de vouloir son «  chez soi », après une période d’absence du foyer.

En fonction de chacun et de son contexte, le syndrome du retour peut lui aussi affecter une personne dans sa vie sociale et professionnelle. Au retour   d’expatriation   peut   être ressentit   de   l'apathie,   ce   qui   se   traduit généralement par un manque d'intérêt et de joie de vivre. Ce n’est pas forcément directement après le  retour,  il  peut  s’écouler  un  certain  temps  entre  le  retour  effectif  et  le  déclenchement  du symptôme.

La  détresse  et  la  déficience  fonctionnelle  sont  dues  à  une  mauvaise  adaptation  au  nouvel environnement  social  ou  physique.  Tout  au  long  des  périodes  de  transition les  repères  et  la routine du quotidien sont bouleversés. L’effort de réadaptation est important lors du retour. C’est la question de l’identité qui est solicitée. 

Le  terme  de  nostalgie  dit  bien  l’origine  du  trouble  qui  s’empare  de  celui  qui  vit  loin  de  sa terre natale : avec les racines "nostos", retour et "algos" douleur, la composition recouvre ce sentiment diffus,  que  nous  traversons  le  plus  souvent  dans  une  appréciation  temporelle.  Nostalgique  de l’enfance, de périodes heureuses passées, de moments disparus engloutis par la fuite du temps et des choses. 

Chez  un  expatrié,  c’est  à  dire  pour  quelqu’un  qui  vit  loin  de  sa  patrie,  la  nostalgie  des instants passés vient se doubler de cette absence indéfinissable, qu’il nomme patrie.  

Pour  analyser  le  syndrome  du  retour  et  y  apporter  des  solutions  essayons  de  cerner  ce  que recouvre  le  terme  de  "patrie".  Du  latin "patria", terre  des  aïeux, dérivé  de "pater", père, la  patrie semble désigner à la fois un lieu et une ascendance. C'est littéralement la terre où sont resté, où sont entérrés les aïeux. Ce qui peut se traduir par « la terre d’où l’on viens  »,  par  opposition  à  celle  où  l’on  est,  il  y  a  donc  une  notion  de  mouvement,  de  dynamique. L’expatriation porte une valeur identitaire. 

C’est en effet d’identité qu’il s’agit quand on part à l’étranger et les formalité aux frontières sont bien là pour nous le rappeler puisqu’il ne saurait être question de les franchir sans présenter les documents  officiels  par  lesquels  un  état  s’attache l’identité  d’un  individu  :  passeport,  carte d’identité, carnet de santé.  À  cela  peuvent  aussi,  plus  rarement,  se  greffer  des  notions  de  régularisation  de  la situation puisque les conformités financières, judiciaires ou fiscales, sont parfois vérifiées et exigées.

Mais  l’identité  va  beaucoup  plus  loin  :  le  caractère  de  quelqu’un,  sa  démarche,  son appartenance  religieuse  ou  ses  gouts,  sont  autant  de  facteurs.  Donc  on  le  voit,  l’expatrié  qui  s’est affranchis d’un certain nombre de contraintes à été examiné sous de nombreuses coutures et lorsque le  moment  du  retour  est  venu,  ce  sont  ces  rapports  d’identité,  les  rapports  à  l’organisation  sociale, qu’il s’agit de connecter, de re-connecter. 

Il s’agit de retrouver dans les organisations sociales, familliales, et avec lui même, la patrie.

La  mère  patrie  serait  alors  l’expression  qui  viendrait  souligner  la  profondeur  du  champ affectif que recouvre la notion de retour dans la mesure ou il s’agirait de « la mère de la terre des pères  ».  C’est  dire  l’imaginaire  à  l’oeuvre  que  recouvre  ce  matriarcat,  au  moins  dans  son expression. Mais qu’est-ce que la patrie ? "Ubi bene, Ubi patria", là où l'on se sent bien, est la patrie.


À PROPOS DES ENFANTS D’EXPATRIÉS

La  Troisième  culture  (TCK;  ETC  )  est  l'interaction  de  deux  facteurs  :  le  changement culturel récurrent et la mobilité géographique. C'est le fait de vivre dans un monde multiculturel et sans frontière qui permet à un enfant de forger une culture personnelle issue de celle de ses parents et de celle du pays qui lui sera unique et personnelle. 

Les  enfants  d’expatriés  ressentent  souvent  un  manque  d’appartenance,  aussi  bien  à  leur culture  d’origine  qu’à  celle  de  leur  pays  d’accueil.  Ils  créent  alors  leur  propre  culture  au  sein  des écoles  internationales.  Pour  exemple  cette  étudiante  donne  l’exemple  de  l’expression  utilisée  au moment d’aller déjeuner : « Let’go bouffe » qui mixte deux langues.

Généralement,  les  enfants  qui  grandissent  à  l’étranger  sont  appelés  “ enfants  de  troisième culture ”.  Être  une  personne  cosmopolite  rend  quasi  impossible  le  fait  de  répondre  à  une  question simple comme « D’où tu viens? », question à laquelle est préférée, « Où as-tu vécu ? ».

Grandir  en  tant  qu’expatrié  peut  être  beaucoup  plus  difficile  qu'il  n'y  paraît.  De  nombreux facteurs     entrent  en  ligne  de  compte  et  notamment  la  culture  du  pays  d’accueil,  proche  ou  au contraire  trés  éloignée,  la  fréquence  des  changements  de  lieux,  la  durée  totale  de  l’expatriation,  la durée de chacune d’entre elle, l’âge au moment des déménagements.

Les  enfants  expatriés  ne  sont  pas  exposés  de  la  même  façon  à  la  mise  en  place  d’un troisième  culture.  En  effe  l'exposition  à  la  culture  du  pays  d’accueil  est  un  facteur  essentiel.  Un enfant de trois  ans qui part vivre deux  ans en Chine n'aura pas la même exposition culturelle qu’un pré-adolescent  de  onze  ans.  Par  ailleurs,  un  enfant  qui  vivra  une  seule  expatriation  sera  moins marqué qu'un enfant qui aura vécu dans plusieurs pays différents. Pour autant les enfants expatriés approchent de la troisième culture mais ne l'intègrent pas au même niveau. On distingue clairement ceux qui ont habité dans plusieurs  pays, de ceux qui ont vécu une seule expérience d'expatriation, si enrichissante soit elle.

Une  seule  expérience  en  expatriation  altère  le  sentiment  d'appartenance  à  la  culture d’origine.  Une  enfance  passée  à  l’étranger  en  mixant  plusieurs  culture  au  moment  de  la puberté et après rend les bases instables. Le sentiment d'appartenance est certainement l'un des défis les plus  difficiles  à  relever  pour  ces  enfants.  Ils  se  sentent  de  "partout  et  nulle  part"  à  la  fois.  Si  cela peut apparaitre comme un atout dans notre monde globalisé, il n'en reste pas moins que se pose le problème des racines et donc de l’identité.

Les  défis  que  doivent  relever  les  enfants  de  la TC  sont  réels.  Les  parents,  dans une vision parfois idyllique de l'enfance hors du commun offerte à leurs enfants, n'en sont pas  toujours  conscients.  Ils  font  face  à  une  absence  d'équilibre  culturel, qui  donne ordinairemnt les points  de  repères,  la  stabilité  et  la  sécurité, le fait gràce à la durée. Gérer  plusieurs  cultures  est  extrêmement  enrichissant mais, à l'âge où se forme la personnalité, cela peut être terriblement déstabilisant. Etre confronté à la réconciliation des valeurs entre celles de la culture d'origine, transmise par les parents, et celles des cultures des pays d'accueil, est une démarche souvent difficile, notamment à l'adolescence.

Ces sujets ont à faire face au challenge de l'identité. Qui suis-je ? D'où suis-je?  Dans un groupe d'enfants de leur âge, ils hésitent souvent entre se fondre dans la masse et donc ressembler le plus possible  aux  autres,  (quitte  à  renier  certains  traits  de  leur  personnalité)  ou  bien  insister  sur  leur différence.  Dans  les  deux  cas,  il  ne  s'agit  pas  d'une  attitude  naturelle.  Se  positionner  vis-à-vis  des autres dicte une démarche qui demande un effort important.

Ils  manquent  de  connaissance  sur  leur  culture  d'origine,  ce  qui  leur  est  rarement  pardonné, notamment  lors  du  retour dans le pays natal.  Ils  n'ont  pas  les mêmes  repères  de  culture  populaire,  ne connaissent pas le vocabulaire à la mode, et pour certains parlent parfois la langue de façon désuète.

Leur   adolescence   est   souvent   retardée.   Recommencer   un   processus   de   connaissance culturelle tous les trois ans les ramène chaque fois à un stade de "débutant". Au lieu d'acquérir les fondements d'une culture, de les intégrer puis d'en appliquer les différents éléments tout au long de leur parcours, enfance puis adolescence, (comme tout enfant sédentaire), ils doivent sans cesse recommencer ce  processus  sans  avoir le  temps  d'aller  au  bout.  Ce  fait  de  recommencer  à  zéro régulièrement retarde leur processus d'acqusition de la maturité.

S'ils  retirent  tous  les  bénéfices  de  leur  enfance  expatriée  et  savent  en  relever  les  défis,  les Adultes de la Troisième Culture, deviennent des personnes vraiment adaptées à notre mode global. Parce qu'ils ont grandi dans un environnement multiculturel et dans un univers sans cesse en mouvement,  ils  ont  développé  des  compétences  qui  coïncident  avec  les  caractéristiques  de  nos sociétés  actuelles.  Les  ATC  sont  doués  de  capacités  d'observation  et  d'une  grande  flexibilité intellectuelle. Ils sont capables de penser "out of the box", d'être créatifs et réceptifs à de nouvelles idées. Ils ont souvent des ressources linguistiques supérieures à la moyenne et des aptitudes sociales élevées.

Leurs faiblesses viennent souvent de la mauvaise gestion des transitions durant leur enfance entre leurs différents environnements culturels. Ils ont pu avoir du mal à surmonter leurs chagrins, à gérer les séparations ou encore à s'identifier à leur entourage durant l'enfance. Il en découle souvent une  perte  de  repère,   un  besoin  de  changement  continuel  ou  encore  des  difficultés  à vivre dans le présent.

Connaitre  les  enjeux  d'une  enfance  expatriée  est  souvent  un  travail  nécessaire  pour  les adultes  de  la  Troisième  Culture.  Cela  leur  permet  de  dépasser  leurs     inquiétudes  pour  jouir pleinement d'une existence enrichie.

 

ÉTRANGER EN TERRE ÉTRANGÈRE : L’EXIL VOLONTAIRE DES EXPATRIÉS.

Publié pour l'ASFE Juillet 2023

J’ai vécu adolescent une expatriation de plusieurs années en Afrique de l’Ouest. Où je n’avais jamais mis les pieds. L’Afrique était pour moi un pays de brousse. Un pays imaginaire. Que nous découvrions avec  jubilation dans un feuilleton télévisé : Daktari. Mon père était officier. Nous vivions dans l’Oise. Après quinze ans de vie militaire, il avait accepté une responsabilité civile. De cadre dirigeant dans un groupe de textile. Implanté en République Populaire du Bénin. À l’époque c’était le Dahomey. Nous étions quatre enfants. Je suis l’ainé de la fratrie. Bientôt ce fût le grand jour. L’aéroport de Roissy. L’escale à Abidjan. D’un seul coup, sur le tarmac, un soleil de plomb vous tombe sur les épaules. Ça y est. On y étaient.

 

J’ai vécu 5 ans en rupture de tous les codes, habitudes, élaborations et projets de mes petits camarades. J’avais eu des loisirs d’un autre ordre. Nous étions une centaine « d’expats ». Dont environ trente enfants perdus au milieu de nulle part. Un monde clos, avec un club privé. Il y avait ceux qui cultivaient l’entre soi et d’autres qui se fondaient dans la vie locale.

 

Nous revenions en France l’été. Pour les grandes vacances. Et puis il y a le retour…définitif. C’est ce qui m’a mis au travail. Le décalage était énorme. La scolarité de l’enseignement à distance est particulière. Fondée sur un principe d’auto-aprentissage dirigé. Une grande partie de la vie scolaire organise la socialisation. Il n’y avait pas de lycée français. Notre classe se composait, comme autrefois dans les campagnes, de multi-niveaux. Étagés dans les âges de 5 à 15 ans et dans l’apprentissage du CM1 à la troisième. Pour un seul répétiteur.  Et des horaires légers.

 

Quand nous sommes rentrés j’avais 16 ans. Retrouver la scolarité classique fût assez difficile. L’anonymat de la multitude, les horaires, et aussi les niveaux faisaient problème. J’ai passé le bac puis ce fût Paris. Une école de commerce. Et la vie professionnelle. Comme commercial dans l’informatique. Je me suis marié. J’ai vécu en famille avec nos deux enfants. Le premier à fait une école d’ingénieur, la deuxième une école de théâtre. J’ai fait du conseil. Et peu à peu s’est imposé un intérêt croissant pour la psyché, l’humain, les rapports à soi et aux autres. J’ai fais ce qu’on appelle une conversion professionnelle en 2010. Une sorte de grand bouleversement. Un alignement de la vie avec les valeurs essentielles qui vous soutiennent. Retour à la faculté : Paul Valery à Montpellier pour un Master en psychanalyse. Et une école de psychopathologie : l’EPHEP. Puis le travail en institution et la création du cabinet. Aujourd’hui je suis un professionnel de santé. Je suis psychothérapeute et psychanalyste en cabinet privé, dans le troisième arrondissement de Paris. Du coté de la place de la République entre le célèbre cirque d’hiver et la place des Vosges, c’est le quartier du marais.

 

J’ai reçu des expatriés qui rentraient du Viet Nam. Un peu par hasard. Et nous étions tout de suite en terrain connu. Arriver dans un pays étranger pour y vivre est toujours une aventure. Avec un grand A. Le dépaysement suscite une excitation. Tout est nouveau, intéressant, étrange. C’est le décalage culturel. Il provoque une grande richesse d’émotion. C’est beaucoup, et parfois un peu trop. Il y a là comme un excès de quelque chose. Ce qui fait que les difficultés sont exacerbées par l’éloignement et la situation d’exil. Un problème de couple par exemple. Impossible d’avoir le soutien de proximité de la famille. Le réconfort et l’aide qu’apporte un parent, un proche à qui il est toujours possible de parler. De même le pote de toujours, ou la bande de copains ou de connaissances fait défaut. Impossible de faire ce petit break qui consiste à aller se ressourcer dans le café qui abrite habituellement les rituels de convivialité. À l’étranger l’expatrié est très seul. C’est un étranger chez les étrangers.

 

Mais cet enthousiasme que provoque l’intérêt d’une nouvelle culture est également lié à une forte absence. Celle des repères habituels. Par exemple l’augmentation brutale du niveau de vie. L’aisance que donne un pouvoir d’achat d’autant plus fort qu’il est relatif à la situation locale se paye néanmoins. Pendant le temps de l’expatriation l’apprentissage de moyens étendus libère des heurts qui maintenaient le désir de s’en défaire. C’est déjà une modification en profondeur. Et qui sera exacerbée, à l’inverse, au retour.

 

Au fil des rencontres et du bouche à oreille sont arrivés des demandes venant d’expatriés en situation de souffrance, en Israël, Émirats, Argentine : comment faire ? J’ai la chance dans l’association professionnelle* qui est la mienne, d’avoir de nombreux contacts et correspondants au Brésil. Là-bas s’est développés avec beaucoup d’avance sur l’Europe une pratique de soins psychothérapeutique avec l’utilisation des technologies, des entretiens à distance, à travers la vidéo ou d’autres médias. Nous avons étudiés avec beaucoup de sérieux ces techniques d’outre atlantique. Une entretien à distance, surtout à travers une image, emporte des effets propre. Le contact est différent. Une grande partie de l’empathie se dissout dans le vortex numérique. Ne reste presque plus que la voix.

 

L’expatriation exacerbe les tensions latentes. C’est un déclencheur. En quoi ? La terre promise est un horizon. Et l’horizon est inateignable. Par définition. Une fois le soufflé retombé, l’attrait de la nouveauté, l’enrichissement extraordinaire de la rencontre avec une terre d’exil provisoire, reviennent les questions un temps oubliées. Une jeune patiente, partie, après bien des hésitations, retrouver son copain expatrié en Chine, s’est rendue compte une fois à Hong Kong que rien n’avait changé dans leur relation. S’ils avaient accepté la séparation géographique momentanée d’un commun accord, pour autant les retrouvailles emportaient avec elles les même modalités qui avaient présidés à leur séparation. Sauf qu’une fois sur place moins de latitude et l’exigence accrue de compromissions s’étaient exacerbées. Il faut parfois faire 10 000 kilomètres pour se rendre compte qu’on emporte avec soi l’essentiel de ce qui fait son identité, ses affects, son rapport à soi et aux autres.

 

Peux-t-on dire que l’expatriation fragilise ? Les exemples sont aussi divers que divergents. Pour certains c’est un formidable creuset d’identité, les relations de couple se verront renforcées dans une complicité féconde; pour d’autres l’entre soi sera étouffant et l’ouverture à la culture locale, aux ressortissants du pays, provoqueront une extraordinaire découverte; pour d’autres encore des tensions anciennes viendront éclore. Est-ce pour autant l’expatriation qui en sera la cause ? On se perd toujours à chercher une cause originelle unique tant les composantes  des affects sont multiples. L’exil de l’expatrié est réel, déterminé et volontaire. Mais l’éloignement crée le vide, l’isolement. Parfois la nostalgie latente dissimulée par la nouveauté se rappelle à nouveau.

 

Ce qui importe dans les manifestations des difficultés pathologiques c’est de rétablir la circulation désirante. C’est la même chose quelque soit le lieu, l’origine ou la pathologie. Un deuil, un traumatisme fixe une stase de l’esprit. On ne pense qu’au disparu, aux circonstances d’un choc violent, ou encore à l’origine d’une grave dispute. Il s’agit dans nos entretiens de rétablir la circulation libre, sans entrave, de l’esprit, de la dialectisation.

 

Avec les technologies c’est désormais possible à distance. Notre protocole comprend les critères classique d’un cure et des aménagements. Les avatars de la liaison technique sont dialectisée. Des entretiens à heures fixes, une modalité d’appel convenues à l’avance. Un mode opératoire toujours le même. Pour palier à l’usure de la vidéo le patient va modéliser, chez lui, une réplique de cabinet. La station allongée sera prescrite, la position du téléphone, toujours la même, étudiée pour restituer la présence du thérapeute hors de son regard. Le rapport au corps étant un  rapport à l’écran et à la voix c’est cette dernière qui est privilégiée.

 

Il y a bien sûr chez les expatriés une grande diversité de situations personnelles et c’est à chaque fois  un individu singulier qui doit s’adapter, vivre loin des siens et des institutions. Pour autant ils emmènent avec eux ce qui nous rassemble au delà des frontières : la langue. Et cette langue c’est du pays qu’elle leur parle dans l’intimité de leur parcours et dans leur vie quotidienne. La littérature de l’exil abonde. Les expatriés sont des exilés volontaires. Ils n’en restent pas moins des sujets qui s’affrontent à  une autre culture et une autre langue. C’est à franchir ces heurts et savoir se faire aider,  que s’organise la continuation harmonieuse d’un parcours singulier.

S.RENARD

Psychothérapeute et psychanalyste.

 

 

* Association Lacanienne Internationale, Paris.